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dimanche 17 novembre 2013 Sarkozy, l'éternel retour ...
Thierry de Cabarrus Nicolas Sarkozy à l'Assemblée
nationale : la stratégie (gonflante) du retour permanent Publié le
15-11-2013 Par Thierry
de Cabarrus Chroniqueur politique Je ne sais pas vous, mais
moi, je commence à croire que Nicolas Sarkozy se trompe de stratégie. À vouloir
ainsi occuper en permanence l’espace médiatique, à envoyer quasiment tous les
jours ses cartes postales aux Français, histoire de ne pas se faire oublier,
j’ai le sentiment qu’il va bientôt réussir quelque chose
d’extraordinaire : créer chez nos concitoyens, qu’ils soient de gauche ou
même de droite, une véritable overdose autour de sa personne alors qu'il est
censé avoir quitté la scène. Ce vendredi, il enfile un
nouveau costume qui, c’est le moins que l’on puisse dire, ne lui va pas au
teint. Car, après nous avoir vendu les thèses de l’extrême-droite sur
l’immigration et la sécurité pendant la campagne présidentielle de 2012, voilà
qu’il fait le grand écart, joue les gaullistes sociaux et nous vante "la nouvelle société" en rendant hommage à Jacques
Chaban-Delmas dans les locaux de l’Assemblée nationale. Une fausse absence
lassante Crédible ? Pas vraiment,
même si ce n’est pas ça le problème. On nous dit qu’il est à la retraite, qu’il prend plaisir à gagner de l’argent
comme avocat ou conférencier de luxe, on nous raconte qu’il se satisfait d’être en famille et de jouer au papa gâteau. Voilà dix-huit mois que
François Hollande occupe son ancienne place à l’Élysée et pourtant, c’est
incroyable mais vrai, au rythme effréné de ses interventions, de ses
apparitions, de ses confidences et de ses clins d’œil, voilà que Nicolas
Sarkozy nous lasse déjà par cette fausse absence et cette stratégie du retour
permanent. Les commentateurs ne vont pas
manquer de nous dire que cette fois, avec son discours à l'Assemblée, c’est
quasiment fait, que Nicolas Sarkozy est revenu parmi nous, tel Ulysse l’enfant
prodigue, vivre en politique le reste de ses jours. Ils ajouteront que jamais,
depuis qu’il a quitté le pouvoir, il n’a semblé aussi près de faire le grand
saut et de se poser en recours, pour le cas où la France, les Français auraient
besoin de lui. Une bonne stratégie ? Je les vois déjà, tous ces
éditocrates, constater que l’ancien président, en fauve politique redoutable, a
choisi la bonne fenêtre de tir pour réapparaître, au moment où son successeur
connaît un effondrement sans précédent de sa cote de popularité et
voit son autorité remise en cause sur les grands dossiers économiques et
fiscaux. Pourtant, je ne suis pas
convaincu du tout, bien au contraire, que sa stratégie soit la bonne. D’une
part, parce qu’à force de dire et de répéter sur tous les tons qu’il est parti,
qu’on ne le reverra plus, qu’il faudra même le supplier pour qu’il revienne, il
finit par saturer les médias de sa vraie fausse absence. Ensuite, parce que les
Français, qui ne sont pas des imbéciles, pourraient bien voir dans cette
"désinhibition de la parole raciste", pour reprendre la formule de Christiane Taubira au JT de France 2, la responsabilité de
l’ancien président. On le voit absolument
partout D’abord, le premier point.
Nicolas Sarkozy a beau jouer les absents, il est absolument partout. On le voit
dans les reportages complaisamment développés autour de sa
personne ou de son couple dans les hebdomadaires de droite. Mais on le voit aussi
dans tous les médias (radios, télés, journaux, sites web) quand il réunit
quelques amis de l’UMP au Grand Bornand ou à Nice pour un déjeuner qui se
veut "au-dessus" de la politique. Et on le voit encore quand une amie
de Carla diffuse sur la chaine D8 un petit film de propagande sur le "Sarkozy intime"
au moment de la défaite de mai 2012. Comme si ça ne suffisait pas,
Nicolas Sarkozy en remet une couche en se montrant comme "le premier
fan" de Carla, en ne ratant pas un seul de ses concerts et en posant
complaisamment devant les photographes. Et il parvient à transformer les shows
de son épouse en vrais meetings au cours desquels, nous disent les journaux qui
le chantent, il est à chaque fois "ovationné". Sarkozy, représentant
du gaullisme social : mais voyons ! Ensuite, le second point. Au
moment où les Français les plus radicaux n’hésitent plus à libérer une parole
raciste, notamment contre la ministre de la justice Christiane Taubira (qui
cumule les tares d’être noire et adversaire farouche de la droite), au moment
où les républicains s’inquiètent du climat de haine qui s’installe en France,
Nicolas Sarkozy change de casquette. Lui qui, le premier, a osé reprendre les thèses du Front national pour tenter de
récupérer ses électeurs lors de la dernière campagne présidentielle, lui qui,
le premier, a divisé les Français en leur désignant des boucs émissaires
(l’étranger, l’assisté, le fonctionnaire, l’Europe-passoire), se veut désormais
le chantre… du gaullisme social. Voilà que ce vendredi, à
l’appel de Jean-Jacques Chaban-Delmas, le fils de l’ancien Premier ministre, il
vient discourir à l’Assemblée nationale (certes, dans une annexe) sur "la
Nouvelle société", histoire de se présenter cette fois comme un
rassembleur. Nul doute que les sarkozystes
verront dans ce discours non seulement un pas de plus fait par leur héros vers
un retour en politique, mais aussi un message du genre : "François
Hollande, qui voulait apaiser la société française, l’a hystérisée tandis que
moi, je fais le chemin inverse." Encore trois ans à
attendre Et quand bien même les
Français entendraient son message ? Qu’est-ce que cela changerait alors
que la présidentielle n’est que dans trois ans et que les institutions de la Ve République sont solides puisqu'elles
donnent à François Hollande la garantie de rester à son poste, quels que soient
ses éventuels échecs ? Ses partisans les plus
fidèles à l’UMP ont beau mettre de l’huile sur le feu et entretenir un climat
quasi insurrectionnel, on n’est sans doute pas à la veille d’une révolution. Et
ceux qui filent la comparaison entre 2013 et 1968 risquent d’en être pour leurs
frais même si Sarkozy joue à fond de ce parallèle en rendant hommage à Jacques
Chaban-Delmas, le Premier ministre de Georges Pompidou. Ce vendredi, on s’attend à un
formidable déploiement de micros, de caméras et d’appareils photos pour
immortaliser le énième retour en politique de l’ancien président. Les chaînes
d’info, comme à leur habitude, vont faire une formidable publicité à Nicolas
Sarkozy en passant en boucle leur reportage et en nous le montrant ovationné
par les parlementaires de l’UMP. Mais qui pourra croire que ce
Frégoli de la politique porte avec élégance le vieux costume de Jacques
Chaban-Delmas ? En attendant, je n'imagine pas que l’ancien président puisse jouer encore trois ans cette carte de la fausse absence. Sarkozy a beau avoir de l’imagination, sauter sur toutes les occasions qui se présentent pour rester dans la course, les Français pourraient bien finir par se lasser de ce numéro d’éternel allumeur. Car la stratégie du retour permanent, ça finit par être gonflant.
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