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                               Les barques catalanes de

                     BANYULS DE LA MARENDA

                                          

                                                          ORIGINE

      Les barques catalanes, en catalan els llaguts, existent depuis des temps immémoriaux.

     Grecs et Romains employaient sur leurs galères ce grément d’une simplicité déconcertante, et les pirates barbaresques en équipaient leurs barques rapides pour arraisonner leurs ennemis. Ce système est encore utilisé aujourd'hui sur les felouques du Nil et les farellas de Malte.

     Les barques catalanes se fabriquaient en Catalogne du nord, à Banyuls de la marenda, à Collioure et au Barcarès.

     Mais  les banyulencques étaient les plus rapides, sans doute parce que les mieux achevées.

     Chaque barque fabriquée à Banyuls était bien plus que le résultat d’un travail d’artisans consciencieux, c’était une œuvre d’art unique et par voie de conséquence un outils de travail incomparablement fiable.

     Détail non-négligeable, la vitesse étonnante de ces barques magnifiques permettaient aussi à nos ancêtres contrebandiers de défier les lourdes barques douanières sans risque d’être rattrapés...

                             

                                             US ET COUTUMES

      Malheureusement, il ne reste rien aujourd’hui de ce savoir-faire propre aux artisans de Banyuls, et l’énergie émouvante de nos contemporains à ressusciter ces magnifiques ouvrages n’y changera rien. Le dernier Maître Charpentier Naval a emporté dans la tombe le secret qui faisait la différence entre les barques fabriquées à Banyuls et les autres.

     Les secrets de fabrication étaient transmis, jamais divulgués ! On peut le regretter mais l’époque était différente, les mentalités aussi.

     En ces temps éloignés, chaque village de la Côte était jaloux des prérogatives qu'il définissait sur les zones de pêches, prérogatives évidemment contestées par ses proches voisins et sources de conflits interminables. De solides rancoeurs opposaient en particulier Collioure et Banyuls. Nul n’aurait été capable de dire, si la question avait été posée, l'origine exacte de ces haines, mais elles n’en étaient pas moins tenaces, parfois féroces.

     Une vieille perpignanaise, aujourd’hui décédée, se souvenait qu’enfant le journal local avait relaté un drame, survenu au large, entre pêcheurs banyulencs et colliourencs. Un colliourenc avait été tué par un pierre, jetée par un banyulencs depuis sa barque. Le colliourenc n'avait pas eu de chance, mais le mort aurait aussi bien pu être banyulenc. Il faut dire que les marins des deux villages avaient la fâcheuse manie d'emporter une cargaison de pierres dans leurs barques, pour se les jeter à la figure à la première occasion… et en période de pêche les occasions étaient quotidiennes.

     Autres temps autres mœurs. Au risque de scandaliser les mânes de leurs ancêtres respectifs, les habitants de Collioure et Banyuls entretiennent aujourd’hui, fort heureusement ! des relations extrèmement amicales, voire fraternelles.

                       

                                            LA VIE ET LA MORT

     Les ateliers de fabrication des barques banyulencques étaient installés à ciel ouvert sur la plage, comme le montrent les photographies de cette époque.

                                          

     Les barques venaient au monde les pieds dans l’eau, et celles qui ne seraient pas englouties par des tempêtes achèveraient leur parcours sur cette même plage, dans les flammes.

     On peut imaginer que la destruction d’une barque, devenue trop vieille pour être remise en état, devait être un moment émouvant pour ces hommes de la mer, dont la vie dépendait de leurs embarcations. L’être humain est ainsi fait qu’il prête parfois une vie, des sentiments, à ce qui n'en a pas, «… objets inanimés avez-vous donc une âme ? » interrogeait le poète. Gageons que certains de ces rudes marins, debouts devant les flammes qui emportaient une de leurs fidèles, devaient avoir beaucoup de mal à ravaler leurs larmes.

 

                             

                                          ESCATA ET PIXE-TINTERS

     La société banyulencque de jadis se divisaient en deux clans bien distincts : le monde des pêcheurs, qui se surnommaient eux-mêmes l'Escata ("arête" en catalan) et celui des bourgeois, ironiquement surnommés "els Pixe-tinters", expression intraduisible en français mais qui fera rire les catalans. Les pêcheurs sous-entendaient par cette expression imagée, que les bourgeois avaient les poches tellement remplies de pièces.. d'or ou d'argent !?... qu'elles teintaient même quand ils allaient pisser.

     Le village de Banyuls vécut en ostracisme jusqu'à la fin du XIXe siècle, période de progrès qui vit l'ouverture de la route nationale et l'arrivée du chemin de fer - années 1870 à 1888 - .

     Durant des siècles il n'y avait pas eu d'autre voie de communication que la mer. L'entr'aide collective n'était pas seulement un élan de solidarité ou de fraternité, car l'homme d'alors n'était guère différent de celui d'aujourd'hui, mais l'entr'aide du groupe était indispensable à la survie de l'individu et le contraignait à l'abnégation.

     Il y avait ici comme ailleurs des conflits, des fâcheries, des haines même entre ceux de l'Escata, mais ces sentiments s'effaçaient obligatoirement devant les corvées communautaires, et à fortiori dans les situations de crises. Par exemple, lorsque s'abattait une de ces tempêtes destructrices propres à la Méditerranée.

     Destructrices  par leur violence mais aussi leur soudaineté.      

     A ce moment là peu importe qui est ami ou fâché, qui s'aime ou se déteste, la seule priorité est de remonter dans un même effort et le plus vite possible les barques en haut de la plage, afin de les mettre à l'abri de la force inouï du vent qui soulève par paquets des vagues monstrueuses.

     Les barques les plus exposées sont remontées les premières, et en régressant jusqu'à ce que la dernière soit à l'abri. Il devait donc être assez courant que deux hommes fâchés "à mort", peinent côte à côte pour sauver en priorité l'embarcation de l'un d'eux, sans qu'il ne vienne à l'autre l'idée de protester.

                                      

     Chacun obéissait  à une tradition non écrite, mais tellement enracinée dans les esprits que nul ne pensait la contester. Même pas lorsque la tempête prenait les hommes de vitesse et  qu'une ou plusieurs barques étaient abîmées ou détruites, là encore l'entr'aide collective jouait.

              

                               

                                                

                                                                   DE NOS JOURS

       Aujourd'hui le désarroi de nos sociétés repues fait que nombre de nos contemporains se tournent vers le passé, tentent de retrouver leurs racines et s'essayent à retrouver ce que leurs parents ont oubliés. Avec le risque toujours présent d'embellir une époque où la vie était difficile, pénible, ingrate, et le travail harassant.

     Il est vrai qu'en regardant les vieilles photos, nous voyons des hommes et des femmes souriants, apparemment paisibles et satisfaits d'une vie que nous ne supporterions sans doute pas très longtemps... et pourtant, nous nous prenons à envier ces lointains parents.

     Ressusciter les barques catalanes est pour certains un moyen de jeter un pont entre le passé et le présent. Et grâce à ces doux rêveurs, nous revoyons de temps en temps une ou plusieurs barques au mât penché voguer à nouveau,  aériennes, sur les vagues de la Méditerranée. 

     Comme nous l'avons déja dit, les secrets de fabrication sont perdus à jamais, et les nouveaux constructeurs doivent composer avec le peu qui a traversé le temps, c'est à dire pas grand chose en dehors des photos et de quelques plans incomplets.

     Félicitations à ceux qui, malgré les difficultés et les embûches de toutes sortes, sont parvenus à force de ténacité et d'amour, à faire  revivre  nos superbes barques catalanes.

     Disons-le tout net ! ces émouvantes  "jeunettes" ont aussi fière allure  que leur nobles ancêtres.

                                               

     Il ne reste plus à souhaiter que dans les années qui viennent une flotille soit reconstituée, et qu'ainsi le Présent retrouve l'harmonie du Passé quand, à la tombée du jour,  les barques au mât penché filaient toutes ensembles droit vers l'horizon.

 

                           

                                                  L'AVENIR ?

     La devise de Banyuls de la marenda est : IN MARE VIA TUA

     Si nos contemporains continuent de polluer à tout va mers et océans, cette devise sera bientôt un souvenir nostalgique de plus, celui d'un Temps où les hommes avaient la sagesse de respecter une Nature dont dépendait leur vie.

     Jusqu'où ira cette génération dans l'auto-destruction ?

     Quel point de non-retour lui faudra t-il atteindre avant de comprendre, à ses dépends et aux dépends de ses enfants, que malgré toutes les avancées scientifiques et technologiques sa survie, comme celle de n'importe quel animal, est liée à son environnement ?

     A chaque époque ses talents, la nôtre n'a rien à envier à celles révolues, sinon que ses talents sont bien mal utilisés.

     Les optimistes veulent croire que cela peut changer...

     

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