mardi 26 novembre 2013

    Éric de MONTGOLFIER et la Démocratie

    J’ai une très grande admiration pour le juge Eric de Montgolfier, magistrat incorruptible, lucide et qui se plait à dire que « Beaucoup ont la tentation de la carrière, des médaillons (...) le problème du magistrat est de parvenir à l'insoumission ». 

    Comme la juge Bertella-Geffroy,cette autre admirable insoumise, le juge De Montgolfier a été relégué non pas aux calendes grecques mais à Nice, pour l’affaiblir, le faire taire et l’éloigner des dossiers parisiens trop brûlants. On dit que la sanction lui aurait plutôt plu, une fois là-bas il a dû affronter de nouvelles batailles et s’est attaqué, bille en tête, à la franc-maçonnerie qui pourrie le grand sud de Nice à Perpignan. La bataille fut rude et aboutit, ni plus ni moins, à une mise en examen du juge Montgolfier. Mais nul n’a jamais pu étouffer la vérité quand elle est portée par un hérault digne de ce nom et le juge Montgolfier est de ceux là. On a essayé de salir son nom en l’assignant en justice, mais le coup bas s’est terminé par une relaxe et au final c’est la Justice qui est sortie souillée de cette procédure indigne.

    Le juge Montgolfier a écris plusieurs ouvrages, avoue qu’il a eu parfois la tentation de contacter le Canard Enchaîné mais il ne l’a pas fait, d’aucuns peuvent le regretter.

    Aujourd’hui, monsieur le juge de Montgolfier est à la retraite et coule des jours paisibles au sein de sa famille dans le sud de la France, ce qui lui donne toute lattitude pour écrire et dénoncer ce qui doit l’être, comme dans ce billet publié par le Point.  

    ***

    Éric de Montgolfier  

    la désillusion de la démocratie !

    Le Point.fr - Publié le 25/11/2013  

    Le magistrat estime que le système né à Athènes se caractérise désormais en France par l'injure, plus accessible au plus grand nombre.

    Par Éric de Montgolfier

    Vieillir est un naufrage, dit-on, le plus souvent en parlant des autres, sans avoir conscience de ce que le miroir offrirait à un regard moins bienveillant que le nôtre. Ce qui vaut pour les hommes semble également affaiblir progressivement la démocratie. Née sur les places d'Athènes, elle s'épanouissait alors dans une polémique résolument constructive. Ce fut longtemps le cas, au moins tant que la politique privilégiait les idées. Désormais, elle prétend se caractériser par l'injure, certes plus accessible au plus grand nombre. Un "casse-toi pauv' con" vaut mieux qu'un long discours. L'exemple a fait florès et d'autres ont suivi.

    Des cris et sifflets ont naguère accompagné le chef de l'État revenant de l'arc de triomphe où la France avait célébré sa victoire sur l'Allemagne en même temps que les morts qu'elle lui avait coûtés. En dépit de l'importance qu'on a paru leur prêter, il n'est pas certain qu'il y ait réellement matière à s'offusquer à ce point. Certainement pas de quoi se draper dans la dignité de la fonction. Le silence est souvent plus significatif par le mépris qu'il comporte et ceux qui se manifestent ainsi devraient songer qu'ils prennent surtout le risque d'être ignorés. N'est-ce pas ce qui se serait produit si le président de la République s'était contenté de passer ? Cette manifestation isolée n'en valait pas tant ; mais les thuriféraires sont souvent plus dangereux que des adversaires.

    Liberté d'expression

    Et l'outrage, en quoi consistait-il ? Aux morts de la Grande Guerre, il se peut soutenir. Encore que l'usage qu'en font les élus, quand, se les accaparant, ils tentent de les faire voter me semble bien plus pernicieux. Il ne faut pas s'étonner que de telles cérémonies, par l'utilité qu'on leur donne trop souvent, finissent par servir de prétexte à l'expression politique. Mais, sur ce point, rien ne me semble plus humiliant pour nos soldats que d'avoir attendu qu'ils soient centenaires pour décorer les derniers "poilus". À croire qu'il s'agissait seulement de les distinguer pour avoir si longtemps survécu au massacre et les exhiber, une dernière fois. Cela peut toujours servir...

    Pour ceux qui exercent une fonction publique, la Cour européenne des droits de l'homme considère que la protection doit être inversement proportionnelle au rang qu'ils occupent sur l'estrade où ils ont choisi de monter. Saine vision d'une société démocratique qui, au nom de l'égalité, doit moins aux nantis qu'aux plus démunis. Sans doute faut-il protéger l'exercice de ses attributions par celui qui les a reçues dans l'intérêt de la collectivité, car c'est d'abord celle-ci qui doit être protégée. Mais rien ne justifierait qu'une telle protection vienne réduire la liberté d'expression ; celle-ci reste fondamentale en démocratie et ne peut être entravée que dans la mesure où l'équilibre serait gravement rompu. Tel ne fut pas le cas le 11 novembre 2013.

    Écoeurement

    Outre que les injures atteignaient une fraction considérable de l'humanité, celles destinées à Christiane Taubira sont d'une autre nature. On a le droit de ne pas aimer la ministre de la Justice et de contester les convictions qui l'ont conduite à prendre de vigoureuses positions sur des sujets qui divisent la société. Cela n'est que l'exercice de la démocratie dans un pays qui se targue d'en donner l'exemple à l'univers. Nul ne saurait toutefois prétendre que le combat politique puisse se nourrir d'une telle bassesse et quelques-uns, qui s'émeuvent publiquement d'une telle dérive, devraient s'inquiéter de la part qu'ils y ont prise en ouvrant la boîte de Pandore quand ils combattaient sans mesure verbale ses projets. En politique, la responsabilité ne réside pas seulement dans ce que l'on décide ; encore faut-il se garder de l'exemple que l'on donne parfois.

    À ces ignominies, je ne puis trouver qu'une vertu ; ceux qui s'en sont rendus coupables s'y sont prêtés publiquement, point dans l'ombre. L'anonymat que favorise la communication électronique ajoute à l'écoeurement que suscitent, sur la Toile, les commentaires qui, faute d'arguments contre des idées, s'en prennent, sous un pseudonyme bien sûr, aux personnes qui les ont émises. Il y a quelques années, à l'aube d'Internet, Michel Field s'interrogeait au cours d'une émission télévisée sur le dispositif répressif à mettre en place pour combattre les infractions qu'il pourrait favoriser. Je m'étais étonné qu'on y songe, comme si notre peuple était incapable d'affronter un tel instrument, si riche d'espérances, sans le dévoyer. Mon optimisme ne valait pas sa lucidité.

    Devoir civique

    Si profonde, la désillusion pourrait conduire à se taire pour se préserver ; peut-être est-ce d'ailleurs ce que veulent ceux qui utilisent de telles méthodes pour écarter des vérités qui leur déplaisent. Ce serait certes les priver de grain à moudre, mais aussi donner raison à la violence dans une société qui tend à la privilégier comme moyen d'expression. Poursuivre inlassablement devient un devoir civique, sans succomber à son tour à la tentation. Opposer la sérénité de la pensée à la virulence de l'injure qui, dans la lâcheté de l'anonymat, ne cherche pas à convaincre, mais à détruire pour obtenir un silence confortable. Ainsi procèdent les dictatures.

     

     

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